Contrairement à la charge physique, facile à observer et à mesurer, la charge mentale revêt une dimension psychique individuelle (et donc subjective) rendant difficile son appréciation. D’ailleurs, à l’heure actuelle, « il n’existe pas de méthodes de mesure directe ou indirecte de la charge mentale d’une façon globale et objective. […] L’évaluation pratique de la charge mentale au travail requiert de repérer les sources de charge mentale, et de trouver dans l’organisation du travail tout ce qui l’augmente[1] ». Afin d’objectiver au maximum la surcharge psychique potentielle, il convient donc de choisir des indicateurs pertinents, de les combiner et de les analyser.
Le modèle de Karasek, élaboré par le sociologue et psychologue américain Robert Karasek en 1979 et initialement conçu comme un questionnaire de mesure du stress au travail, a été repris pour évaluer la charge mentale. La particularité de ce modèle, qui s’est développé en France depuis sa première utilisation en 2003 dans l’enquête SUMER (Surveillance Médicale des Expositions aux Risques) du Ministère du Travail, est d’avoir pris en compte des facteurs organisationnels comme élément explicatif d’un risque d’épuisement professionnel. Ce modèle a ensuite intégré comme variable le soutien social, concluant qu’un soutien social faible associé à une demande psychologique élevée (surcharge d’informations ou d’émotions, manque de temps, nécessité d’adaptabilité permanente…) et une latitude décisionnelle faible correspond à la situation la plus pathogène (Karasek et Theorell, 1990).
Mais d’autres raisons, plus complexes encore que la difficulté de mesure, rendent peu aisée l’évaluation de la charge mentale au travail.
Des composantes multifactorielles
La charge mentale se situe à la croisée des chemins.
En effet, elle peut être induite par des problématiques d’ordre à la fois personnel et professionnel. D’ailleurs, c’est bien l’origine « domestique » de la charge mentale que met au premier plan le dictionnaire Larousse illustré, dans lequel le terme de « charge mentale » est entré en mai 2020 avec la définition suivante : « Poids psychologique que fait peser la gestion de tâches domestiques et éducatives, engendrant une fatigue physique et, surtout, psychique.[2] »
Aussi, de même que le coaching emprunte à plusieurs sciences humaines, la charge mentale touche à plusieurs domaines d’expertise comme « la psychologie, l’ergonomie, la sociologie et le comportement organisationnel[3] ».
Une forte variabilité individuelle
Face à un même stimulus, plusieurs individus ne réagiront pas de la même façon, tant en matière de nature que d’intensité de la réaction. C’est par exemple le cas des facteurs individuels impliqués dans la perception sonore, qui viennent moduler la réaction des individus exposés à un bruit identique.
Il en est de même pour la perception d’une situation de surcharge cognitive, susceptible de varier selon :
- la capacité de l’individu à gérer ses propres ressources,
- sa capacité à traiter un flux d’informations entrant,
- son expérience et son degré d’expertise pour les tâches à accomplir,
- le niveau de performance et les objectifs qu’il se fixe,
- son niveau de motivation pour les tâches à accomplir,
- l’estime qu’il a de lui-même et son niveau de confiance en soi.
Briser le silence
Il existe un autre phénomène rendant le diagnostic peu aisé : le silence, et plus particulièrement le silence des managers et des cadres dirigeants. C’est ce que s’attache à expliquer le chercheur spécialiste des questions de santé au travail Denis Monneuse dans son ouvrage « Le silence des cadres[4] ». En la matière, la population managériale est fragile à plus d’un titre.
D’une part, les managers sont pris entre les exigences de leur propre hiérarchie et celles de leurs collaborateurs, exigences qu’il convient souvent de réconcilier.
D’autre part, ils cumulent des responsabilités opérationnelles et managériales. Ce cumul les exposant eux-mêmes à un haut niveau de charge mentale.
Enfin, soucieux de leur exemplarité, ils se fixent un niveau d’exigence élevé avec le risque associé de déconvenue en cas d’échec ou de difficultés à surmonter.
Le stress, omniprésent
Dans la mesure où le stress anime aujourd'hui toutes les lèvres, pas facile, de faire la part des choses... A mon sens, la détection de la charge mentale doit donc (aussi) reposer sur la notion de CONFIANCE : confiance dans les perceptions exprimées ou suggérées par les collaborateurs qui ont l'impression d'être soumis à un haut niveau de surcharge cognitive.
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